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Je rêvai je crois.
Mes pensées s’emmêlèrent dans celles des autres.
Ce soir de Martror, novembre fut déjà bien entamé par des jours d’une tristesse profonde.

Nous vîmes la mort.

Dans les ruelles de Pézenas, des âmes défuntes précédèrent des squelettes animés et, sans crier gare, passa un défilé de personnages revêtus d’une noirceur abstruse et troublante. Nous aperçûmes, à titre posthume, des garnements facétieux aux os blanchis. Ils sautillèrent bien vivant autour de la mort, un monstre gigantesque, spectre dégingandé au crâne blafard, démesuré, accroché maladroitement en haut d’un long cou de girafe préhistorique n’ayant conservé que ses os crayeux. Les pleureuses voilées vociférèrent à travers la foule des larmes inconsolables.
Partout, dans les lumières du cortège, il y eut des ombres dansantes secouées par le rythme d’un orchestre lugubre et ténébreux qui jouait, on n’aurait pu le dire avec certitude tant il jouait bien, des airs trempés de notes mélancoliques. Nous fumes ainsi transportés sur les pavés humides, traversés par des sanglots mystérieux venus du ciel.

Vint le temps d’y croire, de se laisser convaincre, d’écouter et de participer à cette calembredaine invraisemblable et régressive.
Nous dûmes accepter avec torpeur, même si certains d’entre nous sourirent, de coin ou de face, cette idée saugrenue que nous fumes atteints d’un mal baroque affectant nos arrières et bloquant nos habituelles émonctoires.
La galéjade piscénoise eut pour paroxysme l’arrivée salvatrice du Poulain aux sons des fifres et des tambours.

L’animal totémique enflamma la ville et ses âmes vibrantes.

Si la noirceur de la nuit tombée s’estompa quelques temps secouée par cette éruption joyeuse et opportune, elle revint puissante, lente et sourde.
Nous eûmes des devoirs à accomplir, des messages à transmettre, des intentions à assouvir dans le feu de nos croyances, dans les flammes asservies de nos incertitudes.
Nos pensées monteront vers ceux qui ne sont plus.
Elles iront bien plus haut que nous ne pourrons voir, rejoindre nous l’espérâmes, nos invisibles absents.

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