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Je vois au travers de ton corps, translucide… diaphane. Je m’enivre à te lécher. J’use ma langue, et en abuse, sur la paroi de verre, lisse. J’ai dans la gorge le goût de toi et celui minéral de la vitrine. Cela descend à l’intérieur de mon corps, lourd, pesant. Epais, comme une éponge, je me gorge de ma salive à la saveur de toi. J’adore.

Alors je lèche encore ton corps sur la vitrine. Tu ne bouges pas, ni d’un cil, ni d’une syllabe. Tu sembles muette. Ton regard est là comme invisible. Tu ne pèses rien dans l’air. Tu es absente, juste une image sur une paroi de verre. Je te vois à travers, nue, froide et cela se complique. Tu n’es ni morte ni vivante. Tu es de synthèse certainement, d’un dérivé de pétrole assurément, comme du chewing-gum rose naturellement. Moi, ton malabar, j’ouvre la bouche pour faire une bulle qui se colle à la vitrine. Toi, tu ne bouges toujours pas. Toi ta peau, toujours dénudée, sous un spot de lumière.

J’aime un mannequin et ne peux le toucher. Il est derrière la vitrine de cette boutique fermée. Midi a sonné et une femme à l’intérieur s’échine à arranger sa vitrine. Ce sont les soldes. Elle t’a déshabillée. Juste un ruban rouge te ceinture comme un paquet cadeaux. J’aime ton corps de synthèse et ton odeur de verre. J’aime ta platitude. Je suis persuadé que la femme t’a donnée un prénom et qu’en ce moment elle te parle. Cela lui rappelle, quand petite, elle jouait avec ses poupées. C’est comme cela la vie d’adulte. C’est rejouer, quand déjà petit on jouait à être grand.

Alors, la femme joue à nouveau à la poupée, sérieuse, appliquée. A ce point, qu’elle ne me voit pas. Ma langue sur la vitrine, comme le corps oblongue d’un escargot, a laissé sur le verre une trace précise, identifiable. Elle la remarquera plus tard, quand ayant fini sa vitrine, elle s’occupera de nettoyer la vitre pour que les passants, pressés, puissent être attirés vers sa boutique, sa maison de poupée. Elle n’y vend que des habits, pour les jeunes filles et les plus grandes. Y’a du rose, beaucoup, du vert et du violet plus au fond. Cet été, le jaune viendra conforter la gamme de couleur, plus en avant des passants.

Je n’aime pas ces magasins. Tout juste les vendeuses me voient. Seules, les mannequins me regardent évoluer autour d’eux. J’aime sentir leur émoi quand je frôle leur carapace de plastic, faisant semblant de m’intéresser à l’article qu’elles portent ou allant plus au contact de leur corps plongeant ma main entre les tissus à la recherche d’une fantomatique étiquette de prix.

J’aime frôler leur peau lisse sans aucun secours de personne, sans l’aide de ses vendeuses qui ventilent l’air autour.

Je voudrais être seul avec les mannequins, avec mes mannequins. Je m’excite. Je fantasme. Je passe. Le lèche vitrine a un temps. Il ne faut pas en abuser. Ca use la langue et parfois le porte-monnaie.

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